Quand j'en parle ou que je suis des communauté de JDR solo, je vois souvent passer cette question (par des joueurs non-solo). Chaque fois j'essaie de donner une définition courte ou un exemple. Chaque fois je me rend compte que je n'ai pas de définition courte et que ça me manque. Cet article est une tentative de réponse à cette question :
Ca consiste en quoi, concrètement, de faire du JDR en solo ?
La réponse de Normand
En fait, la première réponse qui me vient est une réponse de normand : ça dépend.
C'est pas très satisfaisant mais c'est réaliste. Il y a pleins de manière de jouer en solo et toutes sont légitimes. La base du solo c'est que vous avez envie de jouer tout seul, comme ça vous vient, comme ça vous fait plaisir et, par définition, il n'y a pas de "bonne" ou de "mauvaise" manière de jouer en solo, tant qu'on s'amuse.
C'est peut être là le coeur du problème. Certains ont tenté l'expérience et ça n'a pas été satisfaisant. Je ne dirais pas qu'ils ont "mal" joué mais clairement, ils n'ont pas trouvé une manière de jouer qui leurs correspondait. Moi-même, si mes premiers essais ont été suffisamment intéressants pour me donner envie de continuer, j'ai mis du temps à trouver un style satisfaisant. Et, spoiler, je cherche toujours à l'améliorer (c'est pour ça que j'écris un blog ;) ).
Bref, si je devais définir concrètement le JDR en solo, je donnerai forcément MA définition, celle qui explique mon style de jeu.
Les bases du JDR en solo
Avant de définir, quelques éléments classiques du JDR solo à connaitre pour comprendre la suite :
- l'oracle : une aide de jeu qui peut prendre la forme de jet de dés, de carte à tirer etc... et qui permet de répondre à des questions simples dont la réponse et Oui / Non ou Non et / non mais / oui mais / oui / oui et. Exemple : "est-ce que le client que j'attaque est armé ? je lance 1d6 sur 5+ il est armé
- Source d'inspiration : une aide de jeu qui peut prendre la forme de tables aléatoires, cartes de tarot ou autre et qui permet de prendre de l'inspiration
Aller ! on se lance !
Ma définition concrète
Pour moi, le JDR en solo, ça consiste à prendre la position d'auteur (MJ) et de "jouer pour voir ce qui va se passer" (pour reprendre le crédo PtbA) en adoptant aussi la position de joueur.
Concrètement :
- je définis une histoire qui m'intéresse
- Je créer un contexte de base.
- je fais ce que ferais un joueur c'est à dire que je détermine ce que mon personnage fait, en m'interrogeant sur les détails de l'histoire (comme si je posait une question au MJ)
- je reprend la casquette de MJ pour soit préciser les détails (comme si je répondais à la question du joueur) soit résoudre l'action.
Un exemple :
- Je veux jouer l'histoire d'un drow mâle appartenant à une maison noble mineure qui veut s'émanciper. C'est la définition de l'histoire, le fil directeur.
- J'utilise une source d'inspiration pour déterminer l'objectif de l'aventure. Sans entrer dans les détails de comment ça marche (un exemple ici avec un tarot) j'obtiens "ma mère me charge d'apprendre pourquoi une maison rivale achète de nombreuses oeuvres d'art ces derniers temps". Je ne détermine rien de plus (pas qui est cette maison, pas pourquoi elle achète des oeuvres d'art, pas pourquoi ça intrigue ma mère), juste cette base
- je créer un personnage en suivant les règles du JDR que je veux utiliser (D&D5 par exemple). Mon personnage est plutôt social (un voleur avec du charisme et plusieurs compétences sociales). Je décide donc qu'il va vouloir interroger des marchands d'art. Je me pose la question "mon personnage connait-il des marchands d'art ?"
- Je reprend ma casquette de MJ. Si j'étais MJ sur une table "normale" je pense que j'accorderais à un PJ noble et social de connaitre des marchands d'art. Mais avec quelle proximité ? Pour éviter de favoriser mon propre perso, je décide d'utiliser un "oracle" sur le pouce : je lance 1d20. Sur 1-8 il en connait de nom, sur 9-15 il en connait mais ce sont pas des connaissances proches sur 16+ c'est une connaissance proche. J'obtiens 12. Une connaissance lointaine
- Je reprend ma casquette de PJ, l'aventure continue
En résumé : j'alterne les rôles en gardant à l'esprit l'histoire générale et en alternant "décisions assumées" (pour coller à l'histoire que je veux, parce que ça me fait plaisir) et recours à des systèmes (oracle, inspiration) pour les "décisions de MJ" que je ne peux pas prendre en mon âme et conscience.
Et le roleplay ?
Là encore, plusieurs approche. La mienne est d'écrire. J'écris surtout à la première personne, en mode "journal". J'essais de donner à mon personnage un "style d'écriture unique". Mon voleur drow aime les formules alambiquées et les litotes, mon IA écrit comme dans un article scientifique, mon moine bouddhiste écrit en haïku, mon vampire anarch fait des fautes et utilise de l'argot etc...
J'ai testé plusieurs autres style : mini-scène de théâtre en 3 répliques par personnage, écriture à la troisième personne / narrateur omniscient etc... Ca change et chaque style à son avantage. Mais le journal reste mon préféré.
C'est un aspect de mes parties solos qui prend du temps. Je soigne mon "RP écrit". c'est ça qui fait que je ne me contente pas de lancer des dés et d'en appeler aux oracles. Bref, que je fais du JDR
Pour aller plus loin : une vision du jeu en solo
L'approche que je décris au-dessus et finalement assez standard. Je pense que pas mal de soloistes fonctionnent plus ou moins comme ça. Mais qu'est-ce qui fait la spécificité du style de chacun ? C'est la façon d'envisager le jeu en solo.
Pour moi, le jeu en solo est avant tout une manière de raconter une histoire que j'ai plus ou moins déjà en tête, en s'appuyant sur une mécanique de type JDR. Je joue pour le plaisir de jouer à un jeu (mécanique) quand je veux et développer des thèmes (narratif) qui m'intéressent, sans dépendre d'autres personnes. J'ai des ambitions narratives et le jeu en solo est un moyen de les atteindre, en m'appuyant sur une mécanique JDR qui introduit une dose d'aléatoire, mais sans compromettre ces ambitions.
par exemple : Je veux que mon personnage éprouve sa condition de mâle dans une société matriarcale, fuit cette société et tente de se trouver une place dans une autre société où d'autre préjugés le poursuivre.
C'est mon thème et ce qui sous-tent toutes mes parties. Cela affecte autant les décisions que je prend comme MJ (décider d'un élément de contexte ou le déterminer aléatoirement, et avec quelles alternatives) que mes décisions de PJ (je ne joue pas pour gagner mais pour que mon personnage atteigne les objectifs narratifs fixés). En ce sens, je suis toujours un peu MJ-PJ et pas vraiment alternativement l'un ou l'autre.
Cette approche est celle qui m'amuse et me convient le plus. C'est elle qui donne le sel à mes parties solo, plus que les procédures que j'utilise pour jouer en solo. Si vous voulez jouer solo et y prendre du plaisir, c'est ça qu'il faut chercher. Pas une procédure, elle viendra en expérimentant et en lisant ce que font les autres, mais votre vision du solo et ce que vous en attendez : produire une histoire, tester un jeu, juste le plaisir de lancer les dés et d'écraser des monstres.... il n'y a pas de mauvaise réponse. Tant que vous vous amusez...