Il y a 6 ans environs, j'avais publié cet article sur le défi de compétence à D&D4. C'était, à l'époque mon principal outil formel pour gérer un défi complexe. 6 ans, pas mal de lectures et beaucoup d'expérimentations, voici la version 2020 !
C'est quoi un défi complexe ?
La plupart des jeux de rôles gèrent les actions des PJs sous forme d'un ou deux jets de dés. Il en va aussi bien du combat, que des compétences. Si cela s'applique bien à des actions rapides (baratiner un garde, ouvrir une porte verrouillée, sauter d'un véhicule en marche...), il y a des tâches qui méritent un peu plus qu'un simple jet et souvent mieux qu'un traitement binaire.
Si les PJs planifient un casse ou, plus probablement, que vous voulez donner de l'importance au casse à venir, vous ne vous contenterez pas d'un jet d'art de la cambriole pour résoudre ça.
C'est donc un défi complexe, qui va probablement mettre à contribution plusieurs personnages et des compétences diverses.
Si les jeux modernes commencent à offrir des outils pour gérer ça, c'est encore loin d'être aussi systématique que des règles d'affrontement. Il n'est donc pas inutile, en temps que MJ, d'avoir en tête quelques techniques pour mettre ça en musique. Voici donc un petit tour d'horizon de mes méthodes préférées
Activité entre aventures
Je commence par la plus simple, et peut être la plus récente, de mes lectures sur la question : les activités entre aventures (downtime activities) du "Xanathar Guide of Everything", pour D&D5. Ce n'est pas, à la base, un outil fait pour les tâches complexes, mais à y regarder de plus près, il y a quelque chose à picorer. Dans le "Xanathar Guide of Everything", certaines activités (crime, combat dans la fosse, revente etc...) sont décomposés en trois jets de compétences différentes et ayant trait à la tâche. Le gain pour le personnage dépend du nombre de jets réussis. Par exemple, faire un braquage réclame trois jets : dextérité [discrétion], dextérité [outils de voleur] et charisme [tromperie] (il y a d'autres possibilités). A 0 succès, le personnage est capturé, à 1 succès, il échappe à la capture mais ne gagne rien, à 2 succès il part avec 50% du gain maximal du braquage et à trois succès avec 100% des gains du braquage.
On voit rapidement comment cette mécanique peut être exploitée pour un défi complexe : Trois jets de compétences appropriés et un degré de réussite selon ne nombre de succès.
- 0 succès : non et
- 1 succès : oui mais
- 2 succès : oui
- 3 succès oui et
Vous pouvez faire varier l'échelle ("non et", "non", "oui mais", "oui"), le nombre de jets (à quatre, on peut rajouter un "non, mais") mais l'idée est là.
Pour moi cette approche marche assez bien pour des tâches trop complexes pour se limiter à un jet mais trop simples pour justifier d'y passer trop de temps. Notez que ça ne dispense pas de faire du RP autour où que le PJs détaille la façon dont il s'y prend... (cf la conclusion de cet article)
Deux jauges
On reste dans de l'intuitif mais on complexifie un peu. L'idée ici est de surveiller deux jauges : la jauge d'échec et la jauge de réussite. Un peu comme une course entre deux alternatives, les jets ajoutent des succès ou des échecs et au bout de X jets (X impair, de préférence) on regarde la jauge la plus avancée. C'est un défis de compétences en plus simple, mâtiné d'horloge d'Apocalypse (voir plus bas) . L'avantage est sont côté intuitif. Ça se prête assez bien à des défis un peu plus complexes qu'une activité entre aventures mais sans trop d'options. Course-poursuites, évidement, mais aussi avancée d'une menace en même temps que les PJs essaient de faire quelque chose.
Le défi de compétence
J'en ai parlé en détail dans cet article cet article, je ne reviendrai donc pas sur le principe. Pour moi, cette façon de gérer les défis complexes est extrêmement riche. Par exemple, les action qui n'apporte pas directement de succès peuvent apporter des variations bienvenues à la mécanique de base ("ouvrir" une nouvelle compétences, neutraliser un échec, donner un bonus à un jet pour gagner un succès etc...). Cette mécanique n'est, par contre, pas forcément intuitive et c'est ce qui m'a amené à en regarder d'autres. Ca reste quand même ma référence de base.
L'infiltration à la "Le Grümph"
Une petite mécanique que j'ai piqué dans "White Lies" . L'idée est proche du défi de compétences. On cherche à atteindre une valeur cible (mettons 10). A chaque scène, on jette un d6 et on ajoute le résultat à la progression. Dès que la valeur cible est atteinte, le défi est terminé. Évidemment, quand les choses se passent mal, cela génère des réactions chez l'adversaire.
A la base, le système est fait pour gérer des intrusions dans un jeu d'agents secrets mais ça s'exporte très bien pour d'autre choses. Le petit côté aléatoire rend le déroulement intéressant, par contre, il faut que le MJ soit prêt à improviser (parce que si les PJ enchainent les 1 sur le jet de progression, ça va prendre un certain temps) et cela demande plus d'abstraction pour déterminer l'échec. En effet, le système propose bien une mécanique sur la base de "niveau de soupons" mais ça reste assez évasif. J'ai tendance à réserver cette approche pour les cas où la tâche réussira forcément (atteindre le but d'un voyage par exemple) mais où la question est de savoir dans quel état finissent les PJs.
L'horloge d'Apocalypse
Mon coup de coeur "récent". Vous savez que je me suis convertis aux jeux propulsés par l'Apocalypse (PtbA) et que j'ai un attrait particulier pour The Sprawl. Les jeux propulsés par l'Apocalypse proposent plusieurs mécaniques "standard" l'une d'elle étant les horloges / fronts / etc... Le système est presque l'opposé de celui-ci dessus : les conditions de réussite ne sont pas déterminées (ça dépendra des PJ et des rebondissements), par contre, il y a un décompte des "échecs" qui chacun déclenche une péripétie ou modifie la balance de la situation (en défaveur de nos héros). Si le décompte atteint son terme, un truc vraiment pas cool se produit.
Ce genre de structure est parfaite pour des défis vraiment complexes, des scénarios voire des arcs narratifs (ou campagne). Les conséquences négatives sont connues, les PJs sont libres de faire des choses originales et ça va forcément générer de la narration, à l'inverse des systèmes précédents qui peuvent être joué très mécaniquement (même si ils n'empêchent en rien de créer du récit). Ca demande quand même un peu de pratique et beaucoup d'improvisation pour le MJ. A réserver pour les grands moments !
Pour les Petits Scarabées qui nous lisentQuelque soit la méthode choisie, il y a quelques élément à prendre en compte :
1/ Tous ces systèmes ont quand même un défaut inhérent à ce type de défi. Il est compliqué d'évaluer la difficulté exacte de ce que vous proposez car il y a deux paramètres : la difficulté de chaque tâche et la longueur du défi. Un défi court avec des tâche assez difficiles est-il plus simple qu'un défi long avec des tâche moyennement difficiles ? Sauf à faire des stats sur le nombres de jets, il vous faudra un peu de bouteille pour évaluer ça au doigt mouillé (et on est jamais à l’abri d'un caprice de dés). Des défis moins encadrés tel que la valeur de progression ou l'horloge d'Apocalypse sont peut être de bons moyens de ne pas trop se prendre la tête avec ça.
2/ Le même conseil qu'il y a 6 ans : le plus important, surtout pour les défis assez encadrés, est de déterminer ce qui se passe en cas de réussite (c'est souvent facile) et surtout en cas d'échec ! Il est tout à fait possible (et c'est même recommandé) de ne pas avoir des alternatives binaires mais plutôt une gradation selon le nombres de succès / progression au moment où le défi prend fin. Un défi ne doit jamais être bloquant et même l’alternative "échec pur et simple" doit permettre de créer de la narration.
3/ Ces outils ne sont que des outils pour vous aider en tant que MJ à gérer les défis complexes. Cela ne devrait pas devenir des mécaniques sans âmes où les joueurs lancent les dés et comptent les succès (sauf si vraiment vous voulez gérer un truc rapidement pour passer à autre chose). Le MJ doit donner un contexte solide et interpréter chaque jet par un récit (pensez aux manœuvres des PbtA). Les joueurs doivent décrire leurs actions. Si ils dépensent des ressources où font preuve d'astuce, cela peut leur valoir des bonus voir des succès gratuit (lancer un bon sort utilitaire au moment où ça s'y prête, par exemple). Une description peut changer le jet (difficulté ou compétence utilisée). Idéalement, les joueurs devraient pouvoir jouer un défi sans savoir quelle structure vous utilisez.
Et au final ?
Je
vous ait présenté plusieurs systèmes, chacun ayant ses spécificités et
son périmètre d'application. Pour moi, les activités entre aventures et
les jauges marchent très bien pour des défis sur le pouce. L’infiltration à
la "Le Grümph" est entre les deux, le défi de compétences et l'horloge
d'Apocalypse se prêtent plutôt à des défis assez structurés. Il y en a
bien sûr d'autres (par exemple dans
les Lames du Cardinal) et ces outils sont assez flexible pour se recouper.
A vous de les utilisez selon vos goûts (et de varier les plaisirs). Vous pouvez également les
combiner. Un défis de compétences donc chaque tâche est une activité
entre aventure. Ou alors une horloge d'Apocalypse couplée à une valeur
de progression.
Ah, et si vous aviez un doute, ce sont également d'excellents outils (presque indispensables) pour faire du solo !